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13 mars 2017 - Scribble StarCraft 2

TY, le bambin devenu Roi

TY, le bambin devenu Roi

À Katowice, le joueur Terran coréen TY s’est imposé en finale face à Stats et ajoute les prestigieux IEM Worlds à son « maigre » palmarès. Onze ans après son premier match professionnel, retour sur la carrière d’un bonhomme bourré de talent et récompensé sur le tard.

En l’espace de deux mois, celui à qui l’on promettait un avenir dans l’esport dès le plus jeune âge a donné raison à ses soutiens de la première heure. Le joueur coréen a remporté les IEM Worlds dans la foulée des WESG, pour un gain total de 300 000 $. Il réalise par la même occasion l’entrée la plus fracassante de l’histoire de StarCraft II dans le club restreint des joueurs ayant réuni un butin supérieur à 400 000$. Et grille tout juste la politesse à un certain MMA, gloire passée du RTS de Blizzard, qui s’est constitué un trésor de guerre victoire après victoire, année après année, à la force de ses poignets.

N’allez pas croire que TY ne mérite pas son dû, au contraire. À l’instar de ByuN, TY a creusé son sillon à la sueur de son front. De nature discrète et sérieuse, il a grimpé les échelons au fil des ans, avec moins de classe qu’un Zest et moins d’excentricité qu’un MC. Mais non moins sans talent et persévérance. 
       



À Katowice, l'aboutissement d'un long voyage pour TY.
Crédits : Jussi Jääskeläinen, @thehexhaven

 

Une graine de champion


Bien avant les révélations Maru et Life (le premier s’étant substitué au second en temps que plus jeune vainqueur la GSL), était un bambin au potentiel incommensurable et promis à une formidable destinée dans l’eSport. Certains voyaient en lui la relève de FlaSh et  l’héritier du Dominion. Ce petit génie avait un nom, il s’appelait Jun Tae Yang.
 

L'équipe WeMade Fox aux petits soins de BaBy


Alors qu’il est encore écolier, le jeune Tae Yang consacre le plus clair de son temps libre dans les PC Bang à jouer à son jeu favori qu’est StarCraft BroodWar. Très vite, ceux qui le côtoient le surnomment Baby. Un pseudonyme angélique qu’il n’hésite pas à s’approprier et derrière lequel il se plaît à s’embusquer. En 2006, du haut de ses douze ans, BaBy finit quatrième de l’Elite School League, une compétition de lycéens, et se fait immédiatement remarquer par son talent et son jeune âge. Il rejoint alors l'équipe WeMade Fox, qu’il ne quittera pas avant 2011. Malheureusement, il lui faudra attendre plusieurs années avant de voir sa carrière décoller. Passé joueur professionnel, le bambin enchaîne les contre-performances et ne récolte pas les fruits de son labeur. C'est en 2008 que BaBy entre pour la première fois dans la cour des grands. Il fait partie des 128 élus du premier tour de la ligue GOMTV (oui, oui, 128, ce qui correspond au RO128), mais ne parvient à remporter que son premier match.
 


Parallèlement, son équipe commence à lui accorder sa confiance et l’aligne à plusieurs reprises en ProLeague, avec des résultats mitigés mais corrects pour un bleu. Ce n’est que l’année suivante qu’il perce en individuel en atteignant pour la première fois les quarts de finale de la Saison 3 du tournoi de GOMTV, se défaisant au passage du grand JangBi dans un match qui l’a révélé aux yeux de tous. Seulement voilà, à l’époque, la concurrence est féroce. Pour se faire un nom – et un titre –  il faut franchir les innombrables épreuves d’un tournoi, et y défier les plus grands. Difficile, en effet, de se faire une place au milieu des Flash, sAviOr, Jaedong, fOrGG, Stork, Bisu et autres légendes de BroodWar qui sévissent encore sur la scène compétitive.

Au terme de sa carrière sur le premier volet de StarCraft, Tae Yang n’aura gagné en tout et pour tout que 8 000$.


La traversée du désert


En 2012, le joueur tire un trait sur Broodwar et amorce une transition vers StarCraft II. Comme nombre de ses pairs tout droit sortis de Broodwar, la transition sur un Wings of Liberty en fin de vie et qui n’a plus aucun secret pour certains zergs est plutôt mal engagée. Malgré une première performance honorable à l’OSL d’OnGameNet, BaBy laisse filer trois saisons de GSL avant de faire sa première apparition en Code A de la GSL Saison 4.

D’entrée de jeu, il est éjecté du Code A par Bomber et sombre dans les méandres du Code B (la belle époque). En saison 5 (la belle époque bis repetita), BaBy s’octroie une place en RO32. Malheureusement pour lui, il y défiera un dénommé « Life », vainqueur de la saison précédente et se voit à nouveau relégué en code A. L’année 2013, celle de l’introduction de Heart of The Swarm, ne lui sourira guère plus puisque le Terran n’est tout simplement pas parvenu à se qualifier au moindre tournoi majeur. BaBy aura bien essayé de revenir sous un nouveau nom, avec ses initiales en guise de pseudo, soit TY pour Tae Yang, mais l’artifice n’y aura rien fait. Le joueur derrière le pseudo n'a pas finalisé sa mue.

Fin 2013, TY rejoint les rangs de la prestigieuse équipe de Korea Telecom, KT Rolster. Il attaque la ProLeague 2014 sur le pied de guerre, réalise un 7-0 et devient la troisième roue de la sélection KT, derrière Zest et Flash. Le jeune BaBy s’est enfin métamorphosé en TY.

Malgré un potentiel indéniable, le Terran ne parvient toujours pas à concrétiser l’essai en ligue individuelle. S’il démontre des capacités de macro-gestion et d’agression dignes des tout meilleurs, celle-ci ont tendance à dérailler lors des grands matchs, ou tout du moins lorsque l’enjeu est grand. À tel point que le joueur est pratiquement invisible entre 2014 et 2016. Même lorsqu’il participe aux compétitions mineures de type « Sandisk invitational » ou « Kung Fu Cup », TY ne repart, au mieux, qu’avec la médaille d’argent.
 

L’étoffe d’un champion


Dix années se sont écoulées depuis le début de sa carrière eSportive et en 2016, le jeune Tae Yang devenu TY atteint pour la première fois la finale d’un événement majeur. Après avoir balayé celui que tout le monde voyait gagner, Dream, puis un autre Terran en la personne de Cure, et ce sans concéder une seule map, TY doit faire face à son coéquipier Zest pour le titre de la saison 1 de la GSL. Malheureusement, TY se heurte à un Zest au meilleure de sa forme et la réalisation de la prophétie devra encore attendre.
 


Grosse déception pour celui qui n'avait jamais approché le titre d'aussi près.

 

Un coup dur pour celui qui avait attendu ce moment depuis plus de 3000 jours. Beaucoup y voient un coup d’une fois. Mais TY ne se laisse pas abattre. Retombé en « disgrâce », il reprend son entraînement, développe son propre style de jeu, ses propres build orders – les Protoss se souviendront du rush proxy caserne bunker dans leur base – et progresse dans son coin. La saison suivante, il échoue une nouvelle fois aux portes des demie-finales et participe à la forge d’un autre mythe, celui de ByuN, l’improbable vainqueur de la GSL. Néanmoins, avec ces deux prestations, couplées à un quart de finale en SSL, il devient impossible de nier son niveau de jeu et tous voient en TY l’étoffe d’un champion.
 



 

La consécration

Onze années et quatre versions du jeu plus tard, la légende de TY aura finalement eu le dénouement que tout le monde attendait. Qualifiés aux WESG, le Terran finit par décrocher le gros lot en remportant les 200 000 $ de la première place. Mais cela ne lui suffit pas, et il a raison. Les WESG, aussi relevés qu’ils aient pu être, n’ont pas le prestige d’une ligue coréenne ou d’une compétition ancrée dans le paysage eSportif depuis de nombreuses années. Les IEM Worlds de Katowice constituent alors l’occasion rêvée de parfaire son mythe. TY devra s’y prendre par deux fois avant de décrocher ton ticket pour l'événement final à Katowice, et en passant par le qualifier Amérique. Lors des premières phases de groupe, le Terran l’aura échappé belle. Il parvient à se maintenir dans le tournoi en terminant à la troisième et dernière place qualificative de son groupe. Inscrit dans l’arbre final, il évite le bas de tableau, où figurent Dark, Stats, Solar et ByuN, et se fraye un chemin jusqu’en finale au prix d’un TvP convaincant face à Zest et de deux longs et pénibles TvT face à GumiHo et aLive, contre qui il obtient revanche après lui avoir concédé deux games en phases de groupes.

Aussi en forme que TY puisse être, rares sont ceux qui lui prédisent une ascension réussie de la montagne Stats. Son ex-coéquipier est un monstre de régularité et apparaît comme l’unique Protoss capable de se défaire des Terran au moyen de sa composition phénix/adeptes. Il l’a d’ailleurs démontré plus tôt en s’affranchissant de ByuN mais également d’un certain TY en première phase de groupe. Mais le Terran ne tremble pas. Il exécute ses build orders à la perfection, perce les défenses de Stats et ressort miraculeusement victorieux lorsque le Protoss se résigne à recourir à sa composition d’armée fétiche. Résultat, Stats ne semble plus disposer de solutions, même dans le late game. Taper les deux fameuses lettres sur son clavier est sa seulz échappatoire. Stats ne peut que s’incliner face à plus fort que lui.
 



TY remerciant la foule qui l'acclame après sa victoire aux IEM Worlds.
Crédits : Jussi Jääskeläinen, @thehexhaven

 

Alors, le bambin est-il vraiment devenu Roi ? Certains attendront probablement qu’il remporte une GSL, une SSL, voire une BlizzCon, avant de l’affirmer haut et fort.

1 commentaire

Limarwinn
Limarwinn - 13/03/2017 13h11

Très bel article, merci beaucoup, j'y ai appris plein de choses. Encore !!!

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