Rainbow 6 : Siege. Le pari réussi d'Ubisoft
Vous l’aurez peut-être vu passer entre deux mojitos en terrasse, cette semaine du 15 août est marquée, dans l’esport bien évidemment, par le démarrage de The International 8 sur Dota 2 mais aussi par le premier Major de Rainbow Six: Siege en dehors du fief montréalais d’Ubisoft. Et c’est Paris qui a naturellement été choisi par l’éditeur français pour ce troisième tournoi majeur de l’histoire du jeu, après les Six Invitational 2017 et 2018.
Ce n'est pas du StarCraft, ce n'est pas du League of Legends, mais c'est un sacré bon jeu dont on voulait un peu vous parler. Mais avant de se plonger dans ce Major de Paris, on ne va pas rater l’occasion de vous faire une visite de la maison R6S. Suivez le guide !
Rainbow, le shooter qui revient de loin
Depuis un peu plus d’un an environ, Rainbow Six : Siege, ou Rainbow pour les intimes, est indéniablement en train de grimper les étages de la bâtisse e-sport : le nombre de joueurs réguliers est en constante progression, sans parler des statistiques de vues sur Twitch qui brisent des records à chaque tournoi majeur. Mais si tous les voyants sont au vert pour le shooter compétitif, peu auraient parié sur un tel succès lors de son lancement en 2015. Architecture réseau branlante, pétri de bugs, et rapidement infesté par les cheats : les problèmes sont nombreux pour le tout premier jeu à potentiel e-sport d’Ubisoft Montréal, à qui on reproche également son manque de contenu avec une vingtaine d’opérateurs jouables à sa sortie. Le développeur est dans la tempête, et sa réputation de sortir des jeux finis à la truelle – comme Assassin’s Creed Unity l’année précédente et son musée des horreurs – n’en est que renforcée par l’état de R6S day one. Mais Ubisoft ne lâche pas le morceau, et maintient à flot son titre à force d’ajouts de contenu et de correctifs. L’audacieuse Operation Health l’an dernier en sera le symbole, repoussant les deux nouveaux opérateurs polonais pour se consacrer à un gros nettoyage de printemps. Pari réussi aujourd’hui, pour une simple et bonne raison : le concept et le gameplay de Rainbow sont eux, en béton armé.
Mais dis-moi Jamy, c’est quoi Rainbow 6 ?
Dernier opus de la célèbre franchise de Tom Clancy, Siege est la première incursion sur le terrain compétitif pour Rainbow Six, à l’origine jeu de tir tactique en solo ou coop’. À l’instar d’Overwatch avec le projet Titan, R6S est né des cendres d’un projet avorté officiellement durant l’été 2014, nommé Patriot.
Pour vous décrire R6S, partons des fondations de Counter-Strike : jeu de tir réaliste 5 vs 5, pas de respawn, avec un système asymétrique d’attaque/défense d’objectif. Mais Rainbow rajoute deux étages à la baraque, à commencer par ses agents, comparables à des héros de MOBA avec des gadgets et arsenaux propres. Mais la poutre maîtresse, le mur porteur du gameplay de Siege, repose sur ses maps. Nombreuses, vastes et complexes pour la plupart, Ubisoft a pris le pari d’implanter des murs et plafonds destructibles, aspect autour duquel tourne le reste des mécaniques. Ainsi, la dimension stratégique chère à la franchise Rainbow Six est respectée, tout en incluant une forte composante classique d’un FPS dans le mortier, à savoir les réflexes et la précision, les headshots fatals voltigeant à la vitesse de l’éclair à haut niveau. « Le one life, les opérateurs et la destruction sont les trois paramètres pour aller chercher la créativité du joueur », déclarait Xavier Marquis, directeur créatif sur R6S, dans une entrevue avec Scok.
Le Six Invitational 2018, dominé par PENTA
Crédits : Bruno-Pierre Campeau
En découle donc un jeu profond, complexe et long à l’apprentissage, contrairement au sacro-saint credo « easy to play, hard to master ». Mais il ne ferme pas la porte d’entrée, selon Alexandre Rémy, directeur de marque du jeu : Rainbow allie les deux aspects, skill et tactique, pouvant attirer les deux profils de joueurs. Tous ces éléments font de R6S un jeu exigeant, captivant mais aussi spectaculaire. Autant de briques propices à l’émergence d’une scène compétitive, bien évidemment.
Rainbow 6, e-sport ready ?
Rapidement, l’ESL fonde conjointement avec Ubisoft sa Pro League sur deux plateformes, à savoir Xbox One et PC, dont les premières finales se jouent au printemps 2016. L’éditeur suit avec attention le circuit compétitif : « c’est une espèce de laboratoire formidable pour observer toutes les métas se produire à grande vitesse, (...) un accélérateur », pour Xavier Marquis.
Après trois saisons doubles, Ubisoft annonce son premier événement majeur, le Six Invitational à Montréal, mais également la fin du circuit compétitif sur console. Coup dur pour les joueurs concernés, notamment pour les Français de Vitality qui venaient de remporter la dernière finale de Pro League Xbox One. Ce premier Six Invitational sera donc le chant du cygne pour la scène Xbox, mais certainement pas pour l’e-sport sur R6S. En regroupant ses communautés de joueurs, et rendue à une unique fenêtre, la scène se solidifie, et commence à doucement attirer les regards.
Le sledgehammer, un trophée qui casse la baraque !
Crédits : Multijoueur / Pierre-Luc Daoust
C’est Evil Geniuses qui sera la première grosse organisation e-sport d’envergure internationale à franchir le pas en recrutant la line-up de Continuum, vainqueur du tout premier sledgehammer à Montréal sur PC. Derrière, c’est la ruée vers l’or : Team Liquid, FaZe, ClanCloud9, Mousesports, Fnatic, Immortals, NiP, SK Gaming et Team Secret sautent dans la barque sur la seule année 2018. Et à une poignée de jours du premier coup de feu de ce Major de Paris, c’est G2 Esports qui fait sauter la banque : l’équipe la plus titrée du jeu, avec trois Pro League et le dernier Six Invitational sur l’étagère, les (majoritairement) scandinaves de PENTA, passent sous le toit d’ocelote. La bicoque Rainbow s’est transformée en hôtel de luxe. Un succès non pas éclair – comme on peut le constater au rayon Battle Royale, ou même chez Blizzard avec Overwatch – mais qui aura pris son temps pour s’établir sainement sur des fondations solides, malgré un faux départ qui aurait pu être fatal. Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire : un mode classé toujours en beta, des bugs encore persistants, mais les joueurs savent dorénavant que le suivi actif du développeur est là, Ubisoft ayant d’ailleurs déclarer vouloir atteindre la centaine d’agents sur dix ans. Les numéros 41 et 42 seront d’ailleurs dévoilés ce week-end.
Troisième année sous le signe de la professionnalisation
Lors du dernier Six Invitational, Ubisoft a annoncé de profonds changements dans son circuit compétitif : deux saisons de Pro League de six mois chacune, dont la seconde comportera à mi-chemin ce premier Six Major, à Paris, doté de 350 000$ de prix. Quatre DreamHack sont également alignées au calendrier : Austin, Valence, Montréal et Jönköping. Une troisième année qui marque également l’arrivée de bans d’opérateurs avant chaque map, et une alternance attaque/défense rejoignant celle de CS:GO.
En deux ans et demi, la scène compétitive de Rainbow 6 a su s’établir sur les cinq continents. On y retrouve bien évidemment l’ancestrale confrontation NA/EU, avec une marche d’avance pour le Vieux Continent, PENTA G2 Esports dominant de par son palmarès. Autre foyer essentiel de la scène R6S, le Brésil regorge de talents, tout comme sur CS:GO. À lui seul, le pays a quatre équipes sur la ligne de départ du Major : Team Liquid, FaZe Clan, NiP, et Immortals. Mais Rainbow est aussi aller chercher des joueurs plus loin, comme les Australiens de Fnatic. Plus surprenant encore, le Japon, pays plutôt réputé pour ses joueurs console de versus fighting, comporte une belle équipe avec PET Nora-Rengo. La Corée du Sud n’est pas en reste, représentée par Element Mystic durant ce Major.
Et la France dans tout ça ?
En voilà, une bonne raison de s’intéresser à R6S : la baguette y est solide. Comme le veut la tradition sur les FPS compétitifs, la France est très active. Millenium, Vitality, Mock-it, trois équipes de niveau international se sont qualifiées pour ce Major. On pourrait même ajouter les deux frenchies de chez Team Secret, auteurs de bons résultats avec leurs compères britanniques. Et après trois journées de phase de groupes, on est plutôt confiant dans le camp tricolore.
Malgré des résultats médiocres en Pro League, les joueurs de Vitality sont clairement les plus en forme à Paris. En se payant le scalp de Team Liquid, derniers vainqueurs de la saison 7, ils se sont offert une première place de groupe, pour aller affronter Team Secret en quarts.
We're one day away from the main event and from playing our quarterfinal in front of you, our home crowd br>
— Team Vitality (@Team_Vitality) 16 août 2018
We can't wait for tomorrow #VforVictory
(Photo @roucool5) pic.twitter.com/ACO2KKiXDs
De leur côté, les joueurs de Millenium ne sont pas dans la meilleure des postures. Ayant connu une ascension fulgurante ces derniers mois, avec en point culminant leur victoire durant la DreamHack Austin, la formation s’est séparée de Joghurtzz une semaine avant l’événement, remplacé au pied levé par Falko. Malgré tout, Millenium a su aller chercher la seconde place de leur groupe, derrière EG, mais devra se mesurer à l’ogre G2. Une rencontre phare pour ce Ro8.
Enfin, Mock-it sera passé à côté de leur tournoi, terminant bon dernier, mais avec un groupe compliqué : G2 puis Fnatic, on a connu plus facile.
Le parcours sera rude pour les artisans de la baguette, mais les niveaux se resserrent avec la maturité de la scène. Poussés par le public français, dont la réputation n’est plus à faire, qui sait si un drapeau tricolore ne pourrait se hisser sur le toit du monde dimanche ?
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