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22 oct. 2016 - Scribble StarCraft 2

PtitDrogo : le héraut de la baguette

PtitDrogo : le héraut de la baguette

En route pour la Blizzcon 2016 ! Jusqu’au début de la plus grande compétition de l’année, O’Gaming vous propose de (re)découvrir les six qualifiés foreigners à travers une série de portraits. Aujourd’hui : PtitDrogo !

Il ne l'attendait plus, vous ne l'attendiez plus... Après un été placé sous le signe de la course aux points pour PtitDrogo, son martyre avait finalement pris fin avec ses contre-performances à la Copa Intercontinental et à la KeSPA Cup. Mais la providence en a voulu autrement : il participera bien aux finales annuelles de Blizzard à Anaheim.

L'ascension d'un envoyé d'Aiür

C'est après avoir passé son bac que PtitDrogo choisit de se consacrer pleinement à sa carrière de joueur professionnel, avec tous les espoirs que cela implique, pour lui comme pour les spectateurs. Si les Underdogs ne lui ont jamais souri, le circuit international a été largement plus clément avec le français et lui a rapidement permis de flirter avec les meilleurs européens. En 2015, PtitDrogo est à deux doigts de convertir son premier essai lors d'une Asus Rog Summer prise en otage par les coréens. Tout au long de l'arbre, Ptitdrogo répète sa partition et crée l'exploit d'être le seul foreigner présent en quarts de finale. Il se débarrassera successivement de Keen, Apocalypse et Hyun avant de tomber en finale face à Losira. C'est sa première vraie performance et la première fois qu'il est en mesure de nous gratifier de toute l'étendue de son talent. Le choix de la professionnalisation se révèle définitivement payant lorsqu'il finit par remporter, sous les couleurs de mYinsanity, son premier titre en janvier 2016. Et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de la DreamHack Leipzig, le premier tournoi majeur sur Legacy of the Void. Le message envoyé était donc clair : Drogo était alors plus chaud que jamais. On tenait bel et bien là le nouveau prétendant à la poutrance made in France. Pour autant, malgré des sorties remarquées ici et là, avec notamment une double rouste infligée à Nerchio en groupe puis en finale des qualifiers WCA, ce sont trop souvent ses échecs qui se sont ancrés dans nos mémoires. Car à mesure que notre Drogo national élève son niveau de jeu au point de titiller voire de renverser les meilleurs du monde, ce sont les attentes placées en lui et par lui qui grandissent.
 

PtitDrogo après sa victoire face à Bly en finale de la DramHack Leipzig.
Photo Adela Sznajder / DreamHack

 

Méticuleux et réfléchi, PtitDrogo fait moins dans le spectacle que ses compatriotes. Il a toujours privilégié un style de jeu des plus standards et maîtrisés, aux antipodes de l'agressivité d'un Lilbow. Peu de variété, aucun cheese, il préfère définitivement la bonne vieille macro-gestion. Une macro poncée jusque dans les moindres détails. Chaque seconde compte, chaque décision compte. Sa gestion impeccable des sentries, des warp-ins et du placement de bâtiment ont d'ailleurs longtemps fait de lui un demi-dieu du PvZ. Et de l'autre côté de l'écran, sa présence sur le canapé d'O'Gaming apporte toujours une fraîcheur et un œil aiguisé. Précise et pertinente, son analyse ne néglige aucun élément de stratégie ou de tactique et on devine assez facilement, à travers elle, le type d'interrogations qui hantent PtitDrogo avant, pendant et après chaque partie. D'aucuns diront que tous les joueurs de haut niveau sont capables de s'adonner à cet exercice avec plus ou moins la même rigueur, mais tous n'ont pas la persévérance d'un Snute. PtitDrogo, lui, s'en approche, et parfois de trop...

King of the Tilt...

Ce qui a propulsé le Protoss français sous les projecteurs de la scène SC2, c'est sa quête permanente de la macro-gestion parfaite. Un style univoque à double-tranchant. Si sa macro est au point, il déroule son plan de jeu et écrase les meilleurs foreigners. Si elle déraille ne serait-ce que d'un millimètre, ses placements d'armées sont moins précis, les erreurs se multiplient et son plan de jeu peut s'effondrer en une poignée de minutes, emportant parfois dans sa chute l'espoir même de gagner le match.

 

 

PtitDrogo est de ces joueurs qui puisent leurs forces à l'endroit même où ils puisent leurs plus grandes faiblesses. Certains joueurs réalisent des exploits d'agressivité, au risque de se prendre un mur, d'autres comme Drogo choisissent de dérouler un plan de jeu chronométré au risque d'être emmenés hors des sentiers battus et de sombrer dans l'inconnu. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas susceptible de remporter une partie au déroulement chaotique, mais c'est là qu'il est le moins à l'aise et qu'il peut commettre les erreurs les plus irréparables. À son plus grand regret... Signe d'un sportif français accompli, PtitDrogo est ainsi capable de se montrer sous le meilleur comme sous le pire des jours. C'est cette volatilité qui rend son parcours aussi excitant que déconcertant. Le sachant capable du meilleur comme du pire, on se plonge dans ses matchs avec méfiance, mais toujours avec la même lueur d'espoir, qui, lorsqu'elle est convertie en victoire, se transforme en véritable #Passion. Au meilleur de sa forme, il semble imparable. On le sent alors capable de tout et la rage de vaincre de monter crescendo. Mais qui dit espoir, dit désillusion. Et à ce petit jeu, PtitDrogo est assurément l'un des plus doués. S'il est facile de lui en vouloir pour une défaite, c'est parce qu'on le sait capable de moves et de performances incroyables. Et puis disons-le, c'est aussi et surtout parce qu'il est français et qu'en bons français, nous nous plaisons parfois à descendre nos compatriotes.
 

PtitDrogo à la DreamHack Tours 2016.
Photo Adela Sznajder / DreamHack

 

Le Protoss français n'en reste pas moins un joueur intelligent qui fait sans cesse travailler ses méninges. Son jeu très orthodoxe et monotone reflète mal le personnage. Car pour en arriver à un tel niveau de jeu, il lui a fallu innover dans l'ombre. Entre deux games, il cogite, évalue les différentes situations, repense ses build orders. Entre deux tournois, il gamberge, se remet en question et essaye de revenir toujours plus fort. Encore une fois, c'est de cette perpétuelle introspection qu'il puise sa force d'analyse et sa capacité d'adaptation, mais c'est d'elle aussi qu'il tire la faiblesse de son mental et sa tiltance légendaire.

 

"J'en ai tellement assez de donner toutes les parties que je joue. Plus j'ai l'avantage, plus j'offre la victoire. C'est toujours la même chose quand je m'approche de la BlizzCon"

PtitDrogo après sa tentative infructueuse de qualification à la Kespa Cup.

Savior of The Baguette ?

Pour la première fois de l'année, c'est peut-être un PtitDrogo à l'esprit léger qu'il nous sera donné de voir à l'œuvre. Sa qualification sur le tard, inespérée et inattendue, l'a probablement aidé à adopter une posture de retrait. Fini de se tourmenter, de se demander si le prochain tournoi sera enfin le sien. La cocotte-minute a donc eu le temps de décompresser. Nos attentes et les siennes ne seront pas les mêmes. Il peut aborder ce tournoi non pas comme un énième test, mais comme une opportunité réelle de faire valoir le niveau de jeu qui a été le sien durant toute l'année et qui n'a jamais vraiment payé depuis sa victoire de janvier. Mais PtitDrogo est avant tout un incroyable bosseur qui ne lâche rien. Malgré - et grâce à - sa remise en question permanente, il n'en démord pas et poursuit un entraînement sans relâche. Il est ainsi capable de prendre des engagements hérités de Stephano, mais aussi de dévoiler une micro du feu de Dieu afin de rouler sur des adversaires de haute volée. Aborder ce tournoi avec l'esprit léger, c'est donc l'occasion de réaliser une performance décomplexée et de  légitimer sa qualification par un véritable acte de résilience.

Au-delà de cet avantage psychologique, PtitDrogo possède une autre corde à son arc. Invisible sur les dernières compétitions, ses adversaires n'ont pas eu grand chose à se mettre sous la dent. Leur impréparation devient une chance pour Drogo, qui peut la saisir pour dévoiler le jour J un éventail de nouvelles stratégies auxquelles ses adversaires ne s'attendraient pas. Si son style ne s'est jamais vraiment écarté de la méta, c'est le meilleur moment de faire preuve d'imagination et d'innovation.

Malgré un groupe A particulièrement relevé en kimchi avec la présence de Dark et Stats et du norvégien Snute, PtitDrogo bénéficie de ces deux avantages sur ses adversaires. Deux avantages qui, bien utilisés, pourraient finir d'accomplir la mutation d'un joueur solide mais prévisible à celui d'un joueur serein dont la créativité et la puissance peuvent enfin se débrider. Et qui sait ? Pourquoi pas prendre de court des coréens un peu trop confiants dans leur capacité à briser du foreigner. Pas vrai Neeb ?

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