PowerOfEvil : de l'amour à la haine
Sur la scène compétitive d’un jeu vidéo, tout va très vite. On peut briller un jour, et rentrer dans le rang le lendemain. Pourtant rarement un joueur aura autant joué aux montagnes russes dans l’opinion du public que Tristan « PowerOfEvil » Shrage, midlaner d’une équipe Origen actuellement à la dérive avec une avant- dernière place et deux cuisantes défaites lors de la sixième semaine.
Du rêve chez UOL…
Aujourd’hui, la désillusion est d’autant plus grande pour le joueur que ses débuts dans la compétition furent exceptionnels. Aligné aux côtés de Kikis, Vizicsacsi, Vardags et Hylissang dans cette toute nouvelle équipe dont seul le nom pouvait présager de l’incroyable aventure qui l’attendait. Mais plus que la performance d’équipe, c’est la comète PowerOfEvil qui impressionne. À grands coups de Syndra, d’Ahri ou d’Orianna, le midlaner allemand emmène son équipe en grande finale du Spring Split de 2015. Beaucoup d’observateurs voient dans le jeune prodige de dix-huit ans le prochain Bjergsen tant par son style de jeu agressif sur la lane que par la palette de champions joués. Et même si le Summer Split ne permettra pas à l’équipe de se qualifier pour les championnats du monde (ils échouent en petite finale contre les H2K’s), PoE ne résiste pas à l’envie d’innover et joue lors des Playoffs une Orianna armée d’une Dent de Nashor orientée sur les dégâts à l’auto-attaque. Un choix aussi fou que génial, puisque ce n’est ni plus ni moins qu’un pentakill qui attend le joueur allemand en conclusion de cette partie, et de son parcours chez UOL. Car en effet avec une telle carte de visite, il est rapidement pisté par Origen qui sort d’une demi-finale aux Worlds. Vu de l’extérieur, PowerOfEvil est un des meilleurs midlaners occidentaux.
… au cauchemar Origen
Arrivé en janvier dans la lineup, PowerOfEvil est légitimement attendu au tournant mais tarde à s’acclimater à son équipe. On se dit que c’est provisoire car il n’est pas le seul à éprouver ces difficultés d’adaptation. C’est également le cas de Spirit mais, contrairement au jungler Fnatic, la mayonnaise ne prendra jamais entre le midlaner allemand et ses coéquipiers. Semaine après semaine, les espoirs s’envolent et l’échec de Forg1ven au début du Summer Split qui força xPeke au poste d’ADC et donna à PoE un poste permanent à la midlane n’a fait qu’empirer les choses. Comment expliquer ce cauchemar collectif vécu par l’équipe de Soaz depuis six mois ? Certaines pistes peuvent aujourd’hui être dégagées alors qu’il est clair que lors des prochaines semaines Origen devra se battre pour sa survie en LCS.
Un profil qui change
Une fois les bagages posés, il s'est rapidement posé la question fatidique du style de jeu à adopter. Avec un monstre comme Zven à la botlane, il était évident que PowerOfEvil glisserait vers des picks légèrement plus utilitaires. Ainsi on a vu apparaître des Varus et des Lulus. Ces picks peuvent-ils cependant être tenus responsables de la méforme de leur propriétaire ? Certainement pas puisque le midlaner de dix-huit ans n’a pas perdu une seule partie avec un de ces deux champions entre les mains.
Mais au-delà des champions, c’est tout un style de jeu qui change. On attrape cette manie de jouer beaucoup plus safe sur la lane, en se concentrant sur le farm plutôt que sur les kills. La nouvelle équipe, le style de jeu qui s’assagit, la méta qui voit Viktor et Azir entrer dans la danse, cela fait beaucoup de changements pour PoE et quelques indicateurs viennent renforcer ce que certains pensent : le midlaner essaie de se trouver une identité de jeu plus safe tout en essayant d’exister, coincé entre Zven d’un côté, et Soaz de l’autre.
Parmi ces indicateurs, le nombre de kill par game durant le SpringSplit est assez éloquent.
Un spring split assez pauvre en sang pour le joueur allemand...
On remarque que ce dernier dépasse rarement les trois kills par partie, ce qui est peu pour un midlaner et encore moins bien lorsque l’on joue des champions agressifs comme Syndra, Corki ou Kassadin. Autre information importante, PoE n’est impliqué que dans 20% des First Blood de son équipe (kill ou assistance).
Une situation qui ne s’est pas améliorée au Summer Split puisqu’à une avant-dernière place au nombre de kill (63 sur les six premières semaines de compétition) il faut ajouter une irrégularité dans les picks qui ferait passer le Space Moutain pour le carrousel de ton village le dimanche matin.
En deux semaines, on passe de champions à poke aux champions à burst, en intercalant ça et là des picks utilitaires comme Karma et des picks personnels comme Syndra.
Un statut particulier
S’il est facile de jeter la pierre à PoE, il faut reconnaître que le statut du garçon est ambigu et certainement facteur de stress. Il partageait en effet jusqu’en juin le poste de midlaner avec xPeke, le patron mais aussi fondateur de l’équipe. Forcément on réfléchit plutôt deux fois qu’une avant de tenter un move et cela se ressent souvent en game où l’on se demande pourquoi le midlaner n’a-t-il pas tenté ceci ou cela, pourquoi ne décale-t-il pas de sa position centrale, etc.
Sauf que depuis, xPeke est passé au poste d’ADC et laisse donc un PoE en plein doute comme titulaire permanent qui devra désormais jouer non plus pour son boss mais avec lui. Imaginez une seconde une DuoQ avec votre patron…
Une équipe malade
Aux causes individuelles, il faut évidemment ajouter la tourmente collective dans laquelle Origen se trouve actuellement. Une maladie dont les symptômes étaient d’une certaine manière cachés par une botlane infernale au printemps, mais qui entre-temps est partie chez G2. À la fois cause et conséquence de la méforme actuelle de PowerOfEvil, ce virus se manifeste par une frustrante irrégularité dans les performances. L’équipe d'xPeke sort ainsi trois gros matchs en allant chercher l’égalité contre le haut de tableau (Fnatic, Gamer2 et H2K) avant de s’effondrer la semaine dernière par deux défaites contre deux adversaires directs que sont Vitality et UOL.
Plus que le résultat, c’est la manière dont l’équipe perd qui laisse perplexe : le nombre de fois où xPeke prend de mauvaises décisions en teamfight ou se fait bêtement attraper au milieu de sa lane sont autant de coups d’arrêt dans la machine Origen déjà balbutiante. À l’inverse lorsque PowerOfEvil et ses coéquipiers parviennent à décrocher une victoire, elle ne peut que s’accompagner d’un « oui mais… ». L’exemple récent le plus marquant se passe lors de la remarquable première game contre G2 où Origen prend nettement l’avance à la marque des 20 minutes, les trois inhibiteurs à la marque des 40 minutes, et la victoire après… 68 minutes de jeu ! Une demi-heure de contemplation, de baron Nashor, d’essuie-glace et de push pour finir sur un rush nexus.
Après quasiment 1h10 de jeu, l'heure est au soulagement pour PoE et xPeke.
Au-delà de la victoire contre le tenant du titre, l’attitude des joueurs en jeu est symptomatique et révélatrice d’une incapacité à créer le jeu au-delà d’un certain niveau, d’un certain point.
Quel avenir pour PoE ?
Aujourd’hui, croire que PowerOfEvil va se réveiller et retrouver son niveau de jeu UOL relève de l’utopie. Mais d’autres avant lui ont connu la même situation. Il n’est pas le premier joueur qui a dû adapter son pool de champions en fonction de son équipe. On peut par exemple citer Bjergsen qui a toute la saison dernière privilégié des picks utilitaires comme Lulu ou Karma parce que cela servait le jeu d’équipe, avant de retomber dans un rôle décisif avec du Azir/Viktor/Zilean. La même chose est-elle envisageable ici pour le joueur allemand ? En théorie oui, mais établir une composition autour de l’ADC requiert un bon... ADC. Et pour l’instant, cela n’est pas possible. En revanche on a déjà vu des paires Zilean/Jax ou Karma/Olaf qui peuvent faire leurs preuves, mais qui iraient cependant à l’encontre de la stratégie actuelle de splitpush de SoaZ. Bref, pour l’instant on semble dans l’impasse.
Reste la possibilité d’un transfert (car on imagine mal l’équipe passer le mercato sans mal avec un tel niveau de jeu) continental ou intercontinental.
Actuellement, PowerOfEvil est, à l’image de son équipe, dans une situation assez compliquée. Malgré une finale au printemps, il semble qu’Origen doive trouver la solution pour sauver sa deuxième partie de saison, et éviter une implosion quasi assurée de l’équipe en cas de relégation. Et c’est à ce titre qu’ils ont signé il y a quelques jours un nouveau jeune joueur au poste d’ADC : Toaster.
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