Les games de légende : KaBuM - Alliance, 2014
Vous voulez découvrir des games mythiques ? Vous replonger dans vos vieux souvenirs ? Ou vous pensez simplement que LoL c'était mieux avant ? Dans tous les cas, cette chronique est faite pour vous. Au programme de ce sixième épisode : des parfums de samba, un résultat choquant et les larmes de l'Europe. Voici KaBuM – Alliance, match de poules des Worlds 2014 !
Comme d’habitude, ce mois-ci au MSI, les équipes participant au play-in sont un énorme point d’interrogation. À chaque compétition internationale, Riot organise un tournoi entre toutes les ligues mineures pour désigner ses « champions des petits » envoyés au combat contre les meilleures équipes du monde. Dire « au combat », c’est voir le verre à moitié plein. En réalité, l’expression la plus appropriée serait « au casse-pipe ». Au point que leur présence puisse être qualifiée d’inutile et soit l’assurance de victoires faciles pour leurs adversaires ? Non. Vous voulez une preuve ? Parlons un peu de KaBuM-Alliance.
Pour l’honneur
Dur dur d’être une Wildcard
Avec la création des régions en Saison 3, la répartition des places pour chaque équipe aux Worlds, puis plus tard au MSI, est devenue beaucoup plus claire. Chaque année, une ou plusieurs places se voient automatiquement attribuées aux régions mineures (Brésil, Turquie ou Océanie pour ne citer qu’elles). Par cette décision, Riot entend donner aux petites équipes, alors appelées « Wildcard », une visibilité et une opportunité pour devenir plus compétitives à long terme. Seulement, surprise, cela ne marche pas. Pas du tout même.
@Thooorin Come on dude... it's the fcking World Championship, I wanna see the BEST teams in the world compete. No room for Wildcards...
— Karl (@Dekarldent) 19 septembre 2014
Sur Twitter, les Wildcards n'ont pas du tout la cote, au point que certains veuillent les voir disparaître des Worlds.
Aux Worlds S3 par exemple, l’équipe lituanienne GamingGear.eu est la risée de son groupe, perdant partie après partie, inéluctablement. Il faut donc bien le dire – à l’époque plus encore que maintenant – tirer une équipe Wildcard dans son groupe, c’est toucher le gros lot. Pour les championnats du monde en saison 4, ce sont deux équipes qui sont envoyées au front : les Turcs de Dark Passage, et ceux qui sont nos poulains dans cette chronique : les Brésiliens de KaBuM! e-sports.
KaBuM célèbre son titre de champion du Brésil, première étape sur la route des Worlds. Crédits : KaBuM
Sans grande star mondialement connue, cette équipe 100% auriverde connaît une année 2014 en dents de scie, mais réussit à se remobiliser au bon moment. Seulement 4e de la saison régulière brésilienne, TinOwns et ses coéquipiers parviennent à arracher leur qualification pour la phase de groupes des championnats du monde, grâce à deux bons tournois qualificatifs coup sur coup. Les voilà donc partis pour l’Asie, soutenus par tout leur pays, avec le maigre espoir de ne pas être ridicules dans la cour des grands. Dans le power ranking officiel de Riot avant les Worlds, l’équipe est logiquement classée bonne dernière.
Plongée dans l’enfer du groupe D
Autant dire que lorsque le nom de KaBuM apparaît au tirage au sort, trois autres équipes se frottent bien fort les mains. Ces trois formations, ce sont celles qui composent avec eux le groupe D : Najin White Shield, Cloud 9 et Alliance. Hormis les Brésiliens, ce groupe est extrêmement relevé et toutes ses équipes arrivent en pleine forme. Najin White Shield, équipe coréenne composée de joueurs d’expérience qui s’est qualifiée en éliminant les champions du monde en titre, SKT T1, de manière cinglante. Cloud 9 est un mastodonte, l’équipe américaine la plus régulière sur ces deux dernières années.
Shook, Froggen, Wick, Tabzz et Nyph réussissent l'exploit de détrôner les triples champions d'Europe en titre, Fnatic.
Crédits: Riot Games
Quant à Alliance, elle est la première à réussir un vieux rêve européen, celui de la « super team » : recruter dans une nouvelle équipe cinq des meilleurs joueurs de la région et réussir à les faire gagner ensemble. Le roster s’est majoritairement construit autour du midlaner Froggen, l’ancienne vedette de CLG.eu. Le Danois s’est entouré de joueurs redoutables, à commencer par son partenaire de toujours sur la toplane : Wickd. Un choix payant : Alliance remporte les LCS EU après un Summer Split maîtrisé de bout en bout. Elle arrive donc aux Worlds avec de très gros espoirs, pas mal de pression et un vrai statut à assumer : celui d’une équipe se devant de sortir des poules.
Un dernier match à sens unique ?
En toute logique, les prévisions des analystes sont immédiatement respectées. Les trois premiers jours des championnats sont un désastre pour les Brésiliens. KaBuM perd ses quatre parties, sans vraiment accrocher aucun de ses adversaires et est à la limite du ridicule par moments. Pendant ce temps, les gros s’empoignent : Najin remporte ses trois premières parties, tandis que Cloud 9 et Alliance se neutralisent, l’emportant chacun une fois sur l’autre. Une tendance commence vraiment à se dessiner le troisième jour, lorsqu’Alliance parvient à battre Najin sans concéder un seul kill. Au début du jour 4, il ne reste que trois parties à jouer : Cloud 9 doit impérativement battre KaBuM puis Najin pour espérer avancer dans le tournoi. Alliance n’a elle qu’à défaire KaBuM, pour aller au pire en barrages, au mieux en quart de finale. Quant à nos chouchous brésiliens, déjà éliminés, il n’y a aucune de perspective d’avenir pour eux, si ce n’est de jouer les trouble-fêtes.
Les standings avant l'affrontement entre Alliance et les Brésiliens, à la recherche d'une première victoire.
Comme prévu, le 28 septembre 2014, KaBuM se fait atomiser par Cloud 9 en début de journée. Deux heures plus tard, ils retournent en salle de torture pour affronter les hommes de Froggen. Après leur exploit de la veille contre les Coréens, Alliance a le moral au beau fixe et se prépare en toute décontraction pour ce que tout le monde voit comme une qualification facile. Jusqu’à ce que les choses prennent un tournant complètement imprévu, faisant entrer KaBuM dans la légende.
Trois raisons pour lesquelles cette game doit impérativement être vue
1. Parce que c’est probablement l’une des parties les plus improbables de l'histoire de LoL. Voir le petit mettre en difficulté le gros à la régulière, alors que personne ne l'avait vu venir, dans n’importe quel sport, c’est toujours le pied.
2. Pour l’incroyable frénésie autour de KaBuM après ce match. Les Brésiliens, à qui tout le monde s’était attaché, sont devenus la coqueluche du tournoi et restent encore un meme fréquemment utilisé pour moquer les Européens sur tous les forums.
3. Pour les conséquences de cette partie. Ce match a légitimé la place des Wildcards, terme qui a même maintenant disparu, aux Worlds et au MSI. Depuis, plusieurs équipes de régions mineures se sont faites remarquer à l’international, à l’image d’Albus Nox Luna ou de Gigabyte Marines.
La draft et le déroulement de la game
Le but de cette chronique est de redécouvrir quelques-unes des meilleures parties de LoL de l’histoire. Nous vous conseillons donc vivement de regarder celle-ci (qui commence réellement à 5:42). Juste pour voir tout le monde ne pas en croire ses yeux, ça vaut le coup.
Si vous manquez de temps, vous pouvez regarder seulement les meilleurs moments de la partie, ci-dessous. Dans tous les cas, la suite de l'article décrit les événements de la partie et ses rebondissements et soyez-en certains, il y en a beaucoup.
La draft
Dès la sélection des champions, une impression se dégage : celle qu’Alliance prend un peu cette partie à la légère.
Pour KaBuM, les choix sont plutôt standards, avec beaucoup de champions capables d’exercer des rotations de contrôle à distance : Ryze au top pour LEP, Ahri pour TinOwns, Elise, Jinx, Morgana... Finalement, cette composition à lock est pertinente pour une équipe qui se sait en dessous mécaniquement, puisqu’elle est très facile à jouer.
La draft finale de cette partie. À noter : le ban d'Irelia contre Wickd. Crédits : Riot Games
Pour y faire face, les Européens vont mettre leurs deux meilleurs joueurs sur des hyper carries : Fizz pour Froggen et Twitch pour Tabbz. Surtout pour les aider, Wickd choisit de prendre une Kayle : avec son Intervention, elle pourra rendre invulnérable un de ses alliés et ainsi rendre inutile le combo brésilien. Seulement, il y a un hic : historiquement, Wickd est un gros joueur d’Irelia, qu’il a joué 4 fois en 5 games sur ses Worlds. La seule fois où il en a été privé, il s’était déjà rabattu sur Kayle et avait livré une performance tout au plus médiocre. Mais avec KaBuM en face, rien ne peut se passer de travers, non ?
Les cinq parties de Wickd aux Worlds, jusqu'ici. La sixième sera sur Kayle. Crédits : GamesOfLegends
La game
Il faut à peine 3 minutes pour que le festival de salsa commence. Alliance n’est que partiellement concentré en ce début de partie et ça se voit immédiatement. Wickd puis Froggen s’avancent tous les deux un peu trop loin sans vision et sont très vite punis par Daragorn : 2-0 pour KaBuM. Les petits poucets finissent quand même par retomber dans leurs travers, s’aventurant dans des escarmouches perdantes et permettant à Alliance de revenir au score à 4-4. Pourtant, ce sont bien les Brésiliens qui font la course en tête aux golds et ce pour une seule raison : LEP est en train de rouler sur Wickd.
Naufrage collectif pour Alliance
Fort du premier sang auquel il a participé, le toplaner a réussi à gratter un important avantage, profitant des approximations de la Kayle de son opposant danois. La menace du Ryze adverse devenant incontrôlable, Alliance est obligée de mobiliser beaucoup de ressources pour le stopper. Les Brésiliens en profitent pour raser le reste de la carte et se retrouver avec 4 000 gold d’avance à 11 minutes : Alliance est en train de sombrer.
LEP peut crier sa joie : KaBuM est sur le point de réaliser l'exploit. Crédits : Riot Games
Surprenant tout le monde, KaBuM rentre alors en mode compresseur. Loin des errements du début de compétition, le dernier du groupe D joue méthodiquement, prenant les objectifs les uns après les autres. Les Européens doivent compter sur de bonnes escarmouches et un excellent Froggen, en état de grâce sur cette fin d’année 2014, pour s’en sortir. Mais le Danois pêche par excès de confiance, joue comme si son équipe était devant et fait l’erreur de trop en engageant un mauvais combat à la 23e minute. Premier inhibiteur pour KaBuM.
This is for Cloud 9
Face à une foule à la fois incrédule et extatique, les Brésiliens s’avancent alors vers ce qui ressemble à une poussée finale. Deux énormes erreurs coup sur coup de Froggen scellent définitivement la partie en engendrant des fights désastreux. Sur le dernier, KaBuM réalise un ace et n’a plus qu’à porter le coup final au Nexus. Alliance vient de perdre contre une équipe Wildcard à la régulière, payant cash son manque de sérieux. Un résultat incroyable au vu du niveau affiché de chaque côté la veille.
Minerva et TinOwns donnent le dernier coup au Nexus, signant un des plus gros upsets de l'histoire du jeu.
Crédits : Riot Games
Cette défaite est un séisme qui secoue tout le monde de l’e-sport. En effet, deux heures plus tard, Cloud 9 punit définitivement l’arrogance d’Alliance. En remportant la victoire contre Najin après une partie incroyablement tendue, ils se qualifient pour les quarts de finale – ce qui aurait été impossible sans l’exploit des Brésiliens – et éliminent pour de bon les champions d’Europe. Au moment de faire tomber le Nexus, C9 se fend d’un « This is for Kabuuuuuuuuuuuum ». Une légende est née.
L’après-game
Ironiquement, cette partie restée dans les mémoires acte la fin du tournoi pour les deux équipes et le début de trajectoires bien différentes.
Rentrée tête basse en Europe, Alliance recrute Rekkles, change de nom pour devenir Elements mais échoue complètement à retrouver son niveau de 2014. L’équipe squatte le bas de tableau des LCS pendant deux ans, avant de se faire racheter son spot par Schalke 04. À l’heure actuelle, seul Shook joue encore au plus haut niveau européen, avec H2K, alors que Froggen tente d’y faire son retour avec Origen.
Froggen vient de remporter les European Masters avec Origen. Crédits : Origen
Du côté de Sao Paulo, le ciel est un peu plus bleu. Si KaBuM fait pendant un moment l’ascenseur entre la première et la deuxième division de la CBLOL, elle connaît un retour au sommet en 2018. La structure remporte son second titre de championne du Brésil lors du dernier Spring Split, gagnant par là-même son ticket pour le MSI. Cela s’est cependant fait sans aucun des protagonistes de ce match, même si quatre d’entre eux sont toujours au meilleur niveau dans leur pays.
Cette année, KaBuM retrouve le top niveau mondial en participant au play-in du MSI. Crédits : Riot Games
Le MVP de la partie
TinOwns – Ahri – 8/2/8
TinOwns, qui évolue désormais chez Pain Gaming, a sorti la partie de sa vie contre Alliance. Crédits : Riot Games
Thiago Sartori a su élever son niveau de jeu pour porter son équipe. Enchaînant les charmes décisifs avec sa Ahri, il a su accélérer la partie quand il le fallait pour empêcher qu’elle s’éternise. Surtout, il est parvenu à contenir Froggen, pourtant en grande forme sur ce tournoi. Le sommet de sa carrière.
Le move de la partie
23:15 de jeu : Malgré un combat perdu, Alliance semble en mesure de défendre son inhibiteur en 4 contre 5. Mais TinOwns compte bien forcer le destin de cette game. Collé au mur de la base d’Alliance, il touche un Charme sur Wickd, utilise son Assaut Spirituel à travers le mur, fait tomber le Danois sous les yeux impuissants de ses coéquipiers, avant de quitter la base comme un prince. Un éclair de génie sur lequel il revient dans la vidéo ci-dessous.
C'est fini pour cette game de légende ! On se retrouve dans deux semaines pour se plonger à nouveau ensemble dans l'histoire de LoL !
Poster un commentaire