LCS : l'épineuse question des salaires en Europe
En plein mercato d'intersaison, de nombreux joueurs européens quittent leurs équipes pour aller tenter l'aventure américaine. Un terrain plus propice pour briller ? Oui, mais aussi et surtout une histoire d'argent. Qui n'est pas sans rappeler le départ de nombreux joueurs coréens en Chine l'an passé...
L'Europe à la traîne
« J'aurais fait le même choix qu'eux ». Rekkles ne s'en cache pas : s'il s'était vu offrir une place aux NA, le carry AD des Fnatic n'aurait pas franchement hésité. Sur son stream, le joueur suédois a tenu à clarifier la situation à propos du départ de ses deux équipiers coréens, Huni et Reignover. Et en profiter pour faire passer un message aux structures européennes, chiffres à l'appui. L'équipe américaine la moins compétitive financièrement proposerait des salaires plus de deux fois supérieurs à ceux que touchent les joueurs de Fnatic, pourtant n°1 en Europe.
Un chiffre éloquent qui pose question. À moyen terme, une absence de réaction des équipes EU se traduira nécessairement par un affaiblissement sévère de la région et donc une absence de résultats au niveau international. Le championnat de France de football en est un exemple : depuis des années, d'excellents joueurs éclosent en Ligue 1, y passent un an ou deux puis sont rachetés pour des sommes colossales par de grosses écuries européennes. Il a fallu attendre l'arrivée d'investisseurs qataris à Paris en 2011 pour qu'une équipe française ait les moyens non seulement de conserver ses meilleurs éléments, mais aussi d'aller recruter chez les autres « gros » ; et ainsi devenir une vraie force de frappe à l'échelle continentale.
KaSing et Svenskeren, partis rejoindre TSM
Le faux contre-exemple chinois
Revenons à LoL. Après les Worlds 2014, plusieurs structures chinoises ont décidé d'investir massivement sur des joueurs coréens, notamment les cinq champions du monde de l'équipe Samsung White, qui venaient de rouler sur le monde entier. D'autres joueurs, comme KaKAO et Rookie, stars des KT Arrows vainqueurs de l'OGN Summer 2014, ont également rejoint la LPL. Une équipe chinoise a même proposé un contrat à Faker avec à la clé un salaire plus de trois fois supérieur à celui qu'il touchait chez SKT. Lui a décidé de rester en Corée. Un an après, quelles conclusions tirer de cet exode ?
Certes, le bilan est peu flatteur pour une région dont les objectifs étaient clairs : créer l'environnement le plus compétitif possible et remporter les Worlds. Finalement, un premier et un troisième seed qui ne passent pas les poules et EDG qui encaisse un cinglant 3-0 en quarts de finale face à… Fnatic. Les résultats parlent d'eux-mêmes.
Pour autant, est-il pertinent de comparer la Chine de 2014 à l'Amérique du Nord de 2015 ? Pas nécessairement. D'une part, les structures américaines ont des ambitions moins démesurées : il s'agit d'abord de faire meilleure figure à l'échelle internationale, notamment par rapport à cette année et pour cela de renforcer le niveau global des LCS NA, considérés jusque-là (à raison) comme la région la plus faible. D'autre part, l'échec chinois s'explique notamment par la barrière de la langue. Contrairement à l'Europe, où pratiquement tous les joueurs parlent anglais, quel que soit leur pays d'origine (Gambit a commencé à s'écrouler à partir du moment où la lineup n'était plus 100 % russe, coïncidence?), il n'existe pas de tel consensus en Asie. De nombreux joueurs coréens n'ayant pas fait l'effort d'apprendre les bases du chinois, l'adaptation à des situations nouvelles ne pouvait pas se faire de manière aussi fluide que pour des équipes à l'aise autour d'un seul langage. KaKAO évoquait d'ailleurs cela après les Worlds, en assurant qu'il allait commencer à apprendre le chinois, tant il identifiait l'échec des iG à cette barrière.
KaKAO, qui garde quand même le sourire
La réaction européenne
L'an dernier, Riot avait réagi face à la possible marée de joueurs coréens rejoignant la Chine, en mettant en place une règle limitant à deux le nombre de joueurs extra-communautaires par équipe dans chaque région. Cela devrait donc limiter l'hémorragie, pour cette saison du moins. Car à moyen terme, même les équipes de la scène Challenger américaine pourraient devenir plus attractives que les cadors européens.
Compte-tenu de ces éléments, difficile d'imaginer que les structures européennes ne se remettent pas en question rapidement. Et si les grosses équipes actuelles ne sont pas prêtes à sortir le chéquier, il y a fort à parier que d'autres gros noms, mieux lotis ou simplement conscients des enjeux financiers liés à l'eSport, viendront poser le pied sur la scène compétitive EU.
2 commentaires
Se servir de l'exemple de Gambit pour argumenter sur la barrière de la langue et occulter l'exemple opposé; Fnatic, c'est pas très (e)sport.
La différence majeure, c'est que Reignover avait déjà des bases en anglais en arrivant, et que Huni a fait des gros efforts pour rapidement prendre des cours (cf ses interviews en anglais après moins de quelques mois). A l'époque des anciens M5, Genja ne parlait pas un mot d'anglais et n'a jamais fait d'effort en ce sens, idem pour Darien. Certes, cela coïncide aussi avec des changements au sein d'une équipe qui se connaissait par coeur et qui se complétait merveilleusement bien, mais je maintiens que l'ouverture de l'équipe (voulue ou subie) à des joueurs non-russophones a demandé une période d'adaptation, qui s'est traduite par des résultats nettement moins bons.