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16 déc. 2018 - Perco Heroes of the Storm

Heroes of the Storm : rideau !

Blizzard a soudainement mis fin a tout investissement sur l’e-sport concernant Heroes of the Storm. Revenons un peu à froid sur ce coup de tonnerre (ah ah) et sa signification.

La gueule de bois, normalement, c’est le dimanche matin. Pour la communauté d’ Heroes of the Storm, ce fut ce vendredi. Un tweet, jeudi, pour annoncer un court communiqué de J.Allen Brack and Ray Gresko. Depuis tout début octobre, le premier est devenu le nouveau président de Blizzard, succédant au fondateur, Mike Morhaime, en poste depuis 1991. Le second est directeur de l'exploitation du studio.

Un tweet laconique donc, équivalent moderne du « Chéri, il faut qu’on parle »

 

 

Le communiqué en lui-même était assez court, car le message était simple : Blizzard déshabille Paul pour habiller Jacques en réaffectant une partie des développeurs du jeu sur d’autres projets de l’entreprise et – surtout – supprime purement et simplement ses deux circuits compétitifs (Le circuit mondial « Heroes Global Championship » et le circuit universitaire « Heroes of the Dorm »).

Effet immédiat. Pas de HGC en 2019, plus aucun soutien financier et organisationnel, fin de l’histoire.

Court circuit

Le MOBA de Blizzard est officiellement sorti le 2 juin 2015, après plus d’un an de bétas diverses. Au mois de mars précédent, le format universitaire « Heroes of the Dorm » (Les héros du dortoir) avait servi de dernier galop d’essai au volet compétitif. On y offre du matériel et des bourses d’études aux vainqueurs, plutôt qu’un gros chèque. L’année suivante, le circuit e-sport mondial est lancé, le HGC est né. Il n’aura donc vécu que trois ans (pour au moins autant de changement de format) avant de tirer le rideau.
 


Si la communauté du jeu était fidèle et passionnée, ce n’est pas leur faire injure que de dire qu’elle était pour le moins…réduite. À l’été 2018, certains tiraient déjà la sonnette d’alarme, en rappelant à quel point le jeu peinait à attirer et à retenir les grosses structures e-sportives et à les convaincre d’engager ou de conserver des équipes dans son circuit, avant de se demander, quelques mois plus tard, si Blizzard ne devrait pas même purement et simplement fermer les vannes.

Il faut dire qu’il n’était pas facile d’exister à côté des deux mastodontes du milieu, League of Legends et DOTA 2. On ne rappellera pas que League of Legends (donc Riot), trouve son inspiration originelle dans DOTA (donc Valve) qui est né d’un mod de Warcraft III (donc… Blizzard), ce serait remuer le couteau dans la plaie.

Le discours de la méthode

Depuis cette annonce, les messages de tous ceux impliqués professionnellement autour du titre de Blizzard se multiplient sur les réseaux sociaux. Commentateurs, joueurs professionnels, coachs, tout le monde à l’impression que le ciel vient de lui tomber sur la tête.
 

Car autant les développeurs du jeu sont des employés polyvalents (et donc reclassés) de l’entreprise, autant les autres – salariés ou non par Blizzard, selon les cas – viennent en fait, métaphoriquement, de se faire raccompagner devant la porte d’une usine qui ferme, avec leur affaires et sans préavis.

Personne ne conteste à Blizzard le droit de retirer ses billes, mais la méthode fait sérieusement grincer des dents. Il semblerait que la quasi-totalité des personnes impliquées dans la scène compétitive du jeu n’aient été mis au courant qu’avec ce tweet, ou quelques heures avant. Pourtant, des rumeurs circulaient et l’absence de réponses à leurs relances sur le circuit 2019 avait forcément mis la puce à l’oreille des patrons d’équipes. Tous, aujourd’hui, se retrouvent contraint de réfléchir en urgence à une transition vers un autre titre concurrent ou à une reconversion.

La question n’est ni juridique (quoique), ni financière. Donner au studio la responsabilité de protéger la source de revenu de tous ceux qui vivent autour de son titre ne semble, bien sûr, pas raisonnable. La question est purement morale : Blizzard devait-il anticiper et préparer tout le monde à cette fermeture des mois en amont, laissant à la nouvelle le temps de circuler dans le petit milieu compétitif et offrant un petit répit à ceux qui devaient dès lors se préparer à trouver un plan B ?

Peut-être.

On se voit en LAN ?

Blizzard a sonné la fin de la récré, mais pas uniquement à cause des résultats disons modérés de son MOBA. Après tout, les années fastes, un développeur ou un éditeur peuvent tout à fait considérer les investissements faits dans les circuits e-sportifs comme de pures dépenses de communication, d’image. Dans un tel contexte, soutenir la scène d’un titre qui ne rencontre pas le succès escompté peut passer dans la case « pertes et profits » pendant assez longtemps. Pas éternellement bien entendu.

Sauf que, depuis dix ans, Blizzard est « Activision-Blizzard », géant issu de la fusion des deux entités, et que la volonté de Blizzard de conserver une sorte de spécificité au sein de l’ensemble s’effriterait de plus en plus au fil des années. La méthode traditionnelle consistant à donner du temps aux choses et aux gens commencerait notamment à sérieusement agacer certain dirigeants du groupe, selon une enquête de Kotaku. Pour dire les choses simplement : l’ordre du jour est à la réduction de budget partout ou cela ne semble plus strictement nécessaire et à la rationalisation en masse des forces de production. Le classique « When it’s done » a du plomb dans l’aile. En annonçant lors de la dernière BlizzCon, la sortie d’un Diablo sur mobile, par exemple, Blizzard s’attire les foudres des fans mais ne fait qu’une simple erreur de communication. Alors oui, la bourde est immense mais elle n’implique pas qu’il s’agisse d’une mauvaise décision commerciale, c’est même vraisemblablement tout l’inverse.

Il faut améliorer la rentabilité, redonner un coup de fouet à une action en bourse qui chute et produire des best-seller plus vite et plus souvent. Corolaire inévitable : tout ce qui n’est pas rentable ou potentiellement rentable à moyen terme doit passer à la trappe. L’e-sport en fait partie. Alors bien sûr, pas touche à l’e-sport sur Overwatch, qui est dans une situation toute différente du fait de la vente des droits d’exploitation de franchise à des partenaires extérieurs, mais Heros of the Storm n’avait pas ou plus les armes pour se défendre. StarCraft II ne semble pas - encore - sur la sellette mais sa communauté s’inquiète très très fort et l’absence d’annonce claire sur le circuit WCS 2019 ne rassure personne. En toute vraisemblance, le vénérable RTS risque de vivre une année compétitive en se serrant un peu la ceinture.

Et c’est une leçon pour toutes les scènes e-sportives : attention, fragile !


Blizzard vient de rappeler à tout le monde qu’une épée de Damoclès trône au dessus d’un certain nombre de têtes dans l’e-sport. Lorsque les communautés réclamaient des circuits soutenus essentiellement par le financement des studios, elles savaient aussi qu’elles ouvraient la porte à ces revirements soudains et violents. La surprise actuelle est donc malheureusement un peu naïve. Se convaincre qu’une entreprise « n’osera pas », « tient trop à » est un pari risqué.

Même en équipe réduite, Heros of the Storm vivra, son chef de production se veut rassurant, mais si scène e-sport il y a, ce sera désormais celle des débuts, gérée, financée et soutenue par les compétiteurs et des organisateurs externes. Il faudra repartir à la chasse aux sponsors.

Il n’y aura rien de plus.

1 commentaire

Hoelic
Hoelic - 17/12/2018 18h26

EA : -We are the most hated Game Company

Blizzard : -Hold My Beer

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