Communications et Cie
Colonne vertébrale de tout sport collectif, la communication a longtemps été sous-estimée dans un jeu où chacun a d’abord débuté seul face à son écran. Pourtant aujourd’hui, on a souvent recourt à l’argument du « manque de communication » quand une équipe n’est pas au niveau. Ce maître-mot, qui semble être la cause et la solution de tous les maux, mérite bien quelques pistes d’exploration et de développement.
League of Babel
Il n’est pas inutile de préciser que, si l’on explore ici la communication à travers le prisme de League of Legends, des jeux comme Counter-Strike, Overwatch, DotA, et bien d’autres, partagent ce besoin de communiquer. Mais surtout de communiquer mieux et plus vite que l'adversaire.
League of Legends est un jeu complexe. On a beau jouer Maître Yi ou Nasus, un match reste une partie d'échecs aux multiples pièces et la victoire n'est possible qu'à la condition que l'équipe trouve la bonne combinaison pour se frayer un chemin jusqu'au nexus adverse. En plus de devoir gérer son propre schmilblick, il faut donc communiquer avec les autres zouaves.
Crédits : Riot Games & knowyourmeme.com
Plus on monte dans le niveau de jeu, plus la com' va devenir un facteur décisif dans le déroulement d'une partie. Annoncer un engagement, suggérer ou ordonner une retraite, proposer un objectif neutre sur la base des informations détenues : il est rare que tous les joueurs soient sur la même longueur d'onde. Comprendre ce que l'autre souhaite ou attend de nous est souvent plus difficile que de remporter sa lane. Un seul but : la synchronisation parfaite. La shockwave d'Orianna qui éclate pile sur la fin de l'ultime de Wukong, la concentration des dégâts sur une cible particulière : des éléments incroyablement difficiles à exécuter de manière fluide et rapide dans un jeu où chaque seconde passée à essayer de se comprendre est une seconde perdue.
À ces caractéristiques constitutives du jeu, il faut ajouter le problème que la région européenne est pratiquement la seule à connaître : la diversité. Du point de vue humain la diversité est formidable, mais force est de constater que cet éclectisme linguistique et culturel ne joue pas en faveur d'une synchronisation et d'une communication optimales. Pour illustrer cette spécificité, on se contentera simplement de citer les cinq nationalités les plus représentées en LCS EU : la Corée et ses onze joueurs tous issus de l’importation, huit joueurs pour le Danemark, la Suède et la France ex-aequo avec cinq joueurs chacun, tandis que la cinquième place est prise de justesse par l’Allemagne et ses trois représentants.
Loin de justifier leur 0-7 en LCS EU, on parle respectivement slovène, anglais, malaisien, suédois et coréen dans l’équipe Roccat.
Même si l’anglais s’impose souvent comme langue fédératrice, certaines nuances ou détails peuvent se perdre dans le processus de communication – particulièrement lors de moments de tensions en jeu. L’Europe fait donc figure d’exception à ce titre-là, puisque ni la région coréenne, ni la région taïwanaise, ni même les régions Wildcard (Brésil, Turquie, Océanie, etc.) n’ont une telle diversité de langues. Depuis quelques années, la région nord-américaine brasse un nombre de plus en plus grand de nationalités dans son panel de joueurs alignés, mais la règle des trois joueurs natifs de la région permet de garder une base anglophone.
Qu’ont en commun Giants, Roccat et Splyce ? Ce sont les seules équipes européennes à avoir proposé en LCS une équipe entièrement issue d’un même pays (respectivement espagnole en 2015, polonaise en 2014 et danoise en 2016).
Le rêve coréen
Si le phénomène des transferts inter-régionaux est arrivé une saison plus tard en Europe que dans le reste du monde, il est aujourd’hui bien ancré dans les mœurs. Initié par Ryu, Huni et Reignover, le mouvement a amené beaucoup de force brute dans un championnat régional qui cherchait un second souffle. Mais un constat doit être tiré, et peut d'une certaine manière se généraliser aux LCS NA et à la LPL : les joueurs coréens qui sortent du lot et sont performants hors de la Corée sont rares. Ils font même figures d’exceptions.
Des joueurs comme Wisdom et Night – recrutés chez Giants durant l’été passé – cherchent toujours leur place en Europe. GBM n’a également pas répondu aux attentes chez NRG et se retrouve à la midlane d’une équipe Vitality malade. Gamsu a tenu quelques mois chez Fnatic avant d’être remplacé par Kikis, etc.
L'ancien jungler Fnatic officie aujourd'hui pour l'équipe coréenne Afreeca Freecs, équipe qui connait actuellement des hauts et des bas en LCK. Crédits : Riot Games
Illustration parfaite du décalage entre rêve et réalité : Spirit. Un potentiel exceptionnel et un niveau indéniable, mais pas de résultat, et forcément une impression de manque de communication avec l’équipe. Argument qui tient la route lorsque l’on sait par exemple que Spirit parlait en coréen lorsqu’il planifiait un gank pour son toplaner coréen et parlait en anglais lorsqu’il planifiait un gank sur la midlane de Febiven.
Ne jetons cependant pas le bébé avec l’eau du bain, et saluons l’adaptation de joueurs comme Trick et Expect chez Gamers2. Plus récemment, des joueurs très prometteurs sont arrivés en LCS EU : Ignar, support des Misfits, ou encore la botlane Nuclear-Chei chez H2K.
Sur League of Legends, l’Europe est un continent à l’histoire immensément riche. Actuellement en pleine mutation, elle ne doit cependant pas oublier son statut de deuxième région la plus performante du monde, et être fière de cette diversité qui a toujours fait sa force, envers et contre tout.
Les apports de Professeur Riot
Voilà pour la situation particulière de notre chère région en termes de communication. Avant de passer notre loupe sur quelques cas plus précis de communication ou de non-communication, il faut noter que c’est l'un des aspects du jeu qui a été le plus mis en avant par Riot, et ce tant sur la scène compétitive que dans cette sanglante arène pleine d’espoir et de rêves qu’est la soloQ. Une partie des changements apportés à la Faille de l’invocateur permettent soit d’orienter la communication en la rendant plus claire et plus rapide – la roulette de ping et le nouveau système de partage d'information–, soit de récompenser l’équipe qui se coordonne le mieux et le plus rapidement – ajout de plantes siège-éjectables, mais aussi les compteurs de réapparition des objectifs neutres et des monstres.
Il est loin le temps où il était crucial pour une équipe de noter manuellement la mort du Nashor, du Dragon, ainsi que des différents buffs…
Outre ces changements sur la carte, un bon nombre de compétences de déplacement de groupe sont apparues soit par le biais de nouveaux champions (Tahm Kench, Taliyah, Kled, etc.), soit par des reworks (Ryze, le seul et l’unique).
Tous ces changements, surtout les plus récents, ont été assimilés et utilisés avec plus ou moins de justesse depuis le début du split. Petit tour d’horizon.
Les bons élèves
Du côté des grosses têtes, on citera Team SoloMid et une parfaite utilisation de l’ultime de Ryze. Si les midlaners ont petit à petit commencé à maîtriser ce sort, tant défensivement qu’offensivement, c’est Bjergsen qui en a pour l’instant l’utilisation la plus intelligente.
Après avoir feinté un rush sur l’inhibiteur à la toplane, Bjergsen téléporte toute l’équipe sur le Nashor sans que CLG ne puisse faire quoi que ce soit. Un exemple de coordination et de vision de jeu. Crédits : Lolesports
Également très en forme en ce moment, les KT Rolster n’hésitent pas à utiliser les plantes éjectables pour servir leurs intérêts, notamment lorsqu’en redside le jungler Score veut aller rapidement embêter son vis-à-vis, ou effectuer un gank à la botlane. Autre exemple lors du BO contre Kongdoo Monster et un rapide regroupement du trio Maokai/Graves/Ahri à la toplane pour une course à la première tour détruite.
D’un coup de chevrotine rageur, Score pulvérise la tour des Kongdoo, moins d’une demi-seconde avant que ces derniers ne prennent la leur à la botlane.
Les mauvais élèves
Bien sûr, s’il y a des premiers de la classe, il y a aussi les derniers. Loin d'être dans une situation aussi précaire que Roccat, Vitality nous a offert un cas d'école de communication qui n'a pas fonctionné, de mayonnaise qui n'a pas pris entre le support coréen Hachani et ses quatre coéquipiers européens. La question n’est pas ici de définir les fautes et erreurs de chacun, mais de poser le constat d’un échec sur toute la ligne. On a vu l’ancien coéquipier d’Arrow jouer du Malzahar et de la Zyra avec des bonnes intentions, mais trop souvent seul dans des situations où Vitality aurait pu faire la différence.
L’ancien partenaire d’Arrow seul contre le monde pour défendre ce dragon. La question étant de savoir si notre ami Coréen était trop en avance, ou ses coéquipiers trop en retard. Gros manquement au niveau de la communication.
La mise à l’écart rapide de Hachani semble indiquer que le joueur avait du mal à s’intégrer ou à imposer son shotcall à l’équipe (on appellera cela le syndrome Yellowstar), mais sans que cela règle les problèmes de l’équipe.
Le système parfait ?
Alors oui on parle, on débat, on juge peut-être un peu vite les équipes et les joueurs. Mais rarement dans un jeu et dans une région il n’a semblé avoir une telle différence de niveau. Regarder Gamers2, puis Roccat, Cloud9 puis Team Liquid, cela amène forcément à comparer et à se demander comment serait-il possible d’aider, même indirectement, ces équipes à communiquer avec plus de justesse.
À ce titre le rôle du coach est primordial. C’est lui qui annonce la composition et la stratégie, c’est lui qui parle avec les joueurs, écoute leurs requêtes et leurs envies. Sauf que le coach abandonne ses joueurs dans leur Teamspeak durant la partie. Et si certaines équipes peuvent se ressaisir en cas de coup dur, d’autres n’ont parfois pas le leader ou le mental pour le faire, et auraient bien besoin d’un coach sauvage qui arrive dans la conversation pour recadrer ses joueurs.
Vous avez compris où on veut en venir. L’instauration de « temps mort » permettrait au coach d’avoir un rôle plus important en termes de choix en jeu.
*Temps mort à la cinquante-troisième minute de jeu, LCS NA*
« Coach, on est 22k gold derrière, y'a Caitlyn-Ryze en face, qu’est-ce qu’on fait ?
- Le Nashor est toujours là ?
- Oui.
- Rien n’est perdu les gars ! »
Blague à part, la compétition pourrait se retrouver enrichie d’un « temps mort » par équipe et par partie, de maximum une minute par exemple. Cela éviterait comme c’est encore trop souvent le cas de voir des équipes reculer, reculer, et encore reculer jusqu’à perdre la partie sans résister.
Le temps mort en LCS ? Est-ce une bonne idée selon vous ?
5 commentaires
En soi l'idée d'un temps mort pourrait lisser certains problèmes, mais ça induit pas mal d'autres problèmes.
Dans les sport traditionnel c'est généralement facile à mettre en place (but, sortie du ballon etc.), dans lol il est plus compliqué selon moi de définir un "temps mort" ou une interruption du jeu ne gênera pas le déroulement de la partie(après un ace à la rigueur et encore pas tout le temps). Pour la vision qu'a le coach je sait pas comment c'est actuellement mais il faudrait forcément qu'il soit limité à la vision de son équipe du coup (qu'on aille pas utiliser un temps mort pour filer des infos sur les wards adverses/ position du jungler etc.). Uniformiser ça à l’international bien sur... Bref pas si simple.
Mon 2eme problème c'est le fait de modifier les règles parce que "ça marche pas bien pour certains". Un peu comme le fait de dire qu'il n'y a pas assez d'objectif en early/mid, en se basant sur le fait que certaines équipes ne font pas grand chose dans ce temps de jeu. Si d'autres y arrivent déjà et qu'on donne encore plus d'outils... Je crains qu'on ne creuse encore plus l'écart qu'on tente de refermer.
La ou une équipe qui ne s'en sort pas utilisera le temps mort pour "juste savoir quoi faire", une équipe déjà au point la dessus pourrait l'utiliser pour encore mieux verrouiller/terminer la partie.
Pour moi le problème est ailleurs. Les splits sont courts, mettre 5 parties ou plus dans le vent parce qu'on se rend compte que les 5 joueurs (+ staff) ne s'entendent pas sur le plan de jeu, ne se comprennent pas etc. c'est trop. On tente de colmater les fuites dans la panique la plus totale et très vite on se rend compte que le split est déjà fini et qu'au mieux on s'évite la relégation.
On est encore sur du problème de structure selon moi, difficulté de recrutement, difficultés du staff à savoir quoi faire (le métiers est vraiment jeune pour le coup, à part à la limite en Corée), pas le temps de tester convenablement le moteur avant d'être lancé dans la course... Je suis pas assez dans le système (et sans doute pas assez compétent) pour dire exactement ce qui cloche et à quel niveau, mais ça ne me semble pas venir de "l'ingame", plutôt de tout ce qu'il y a autour
L'idée de temps mort en elle même dans un jeux comme lol est en soit une bonne idée. Problème: quand pouvoir les mettre en place . On sait que il en existe déjà pour les problèmes de matériels mais depuis peu on a put voir en NA le nouveau système de riot le chrono-break il me semble qui permet de revenir en arrière. Quid des équipe qui pourraient en demander avant un fight très important ou un baron dans le but de casser le rythme de la partie et quid de celle qui permettrait de dire au joueur de faire un rotation ou de mettre en place un 1-3-1. les temps mort ne pourrai donc se mettre en place que dans des phase de lane ou un cassage du rythme ne serait pas important ou moins important que durant un phase de rotation par exemple. Le problème réel n'est en fait pas sur la mise en place ou on de temps mort a tel ou tel moment mais sur le jeu lui même : lol n'est pensé pour cela . Lol est un jeu dynamique sans arrêts de jeu, presque sans ralentissements de rythme qui ne permet pas la mise en place de de ce système. Pour moi le problème ne vient pas du jeu ni du format mais bel et bien du niveau de jeu de chaque région et de la manière dont existe le jeu en dehors de la partie. Lorsque l'on regarde du coté de la Corée on ne voit pas ses problème de communication même chez les jeune joueurs. Certe les problème de langue sont absent en lck mais ces problèmes ne sont qu'une résultante de l'implication et de l'adaptation des jouer capable ou non d’apprendre une nouvelle langue et de s’intégrer dans un groupe et une structure . pour moins il manque en EU mais pas seulement un manque de préparation des joueurs avant la scène pro. D'ailleurs lorsque l'on regarde fnatic qui n'a pas de gros problème de com possède un deuxième équipe en cs eu par laquelle est passé rekkles et d'autre joueur qui ont ensuite joué en lcs.
Il est vrai que l'importation tel quelle du principe de temps mort est difficilement envisageable sans aménagements qui empêcheraient d'en abuser ou d'en utiliser à mauvais essien. Peut-être qu'un travail au niveau des mentalités des joueurs et des structures auraient une meilleure influence sur le niveau de jeu européen. En tout cas il est agréable de voir que certains sujets font réfléchir et réagir.
[...] à mauvais escient* (ça se dit rédacteur et ça écrit comme un pied non mais j'vous jure)
@hatnuz :
XD on va mettre ça sur le dos de la fatigue.