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17 oct. 2017 - Scribble StarCraft 2

BlizzCon 2017 : le bal des débutants

BlizzCon 2017 : le bal des débutants

La BlizzCon, l’ultime épreuve réunissant les tout meilleurs joueurs de la planète, comporte, comme chaque année, son lot de nouvelles têtes. Parmi eux, trois joueurs aux antipodes. L’un, froid et impitoyable, nous vient du Grand Nord, les deux autres, plus chaleureux, nous viennent d’Amérique Latine. Ils sont connus sur la scène, bien entendu, mais n'ont jamais joué à la BlizzCon.

Cette année, Serral, Kelazhur et SpeCial font leur grande première sur la scène californienne d’Anaheim, celle-ci n’étant foulée que par les huit joueurs les plus performants de l’année écoulée. Une destination, trois chemins pour y arriver. Si les trois joueurs ont incontestablement réalisé leur meilleure année compétitive, tous n’ont pas eu le même parcours, loin de là.

SpeCial, l'obstiné

Le mexicain SpeCial, jadis baptisé MajOr, fait partie de ces joueurs qui campent la scène compétitive depuis son éclosion. Avec plus ou moins de succès, et avec plus ou moins de régularité. Très tôt, alors qu’il n’a que 16 ans, MajOr troque Broodwar pour la seconde mouture de StarCraft. Déjà, il n’a qu’un seul objectif : partir s’entraîner en Corée et décrocher une place en code A de la GSL. Irrégulier, immature et parfois tricheur, ses déboires l’empêcheront de convaincre ses équipes successives de l’envoyer dans la capitale du sport électronique. Il ne parviendra à orchestrer son départ qu’en 2012. Il rejoint alors the 8th Team, fameuse équipe membre de la Kespa et de la Proleague, la compétition reine de Corée du Sud à laquelle il n’assistera que sur le banc des remplaçants. Ce banc, il ne le quittera qu’une fois, et pour rencontrer la légende Flash. Le Dieu Terran le renverra aussitôt sur la touche à l’aide d’un proxy marauder punitif. Sur le circuit international, ses résultats ne sont guère plus reluisants. En cause, un système WCS divisés en trois régions, toutes surpeuplées de sud-coréens. Mais, déterminé, le Mexicain s’impose tant bien que mal comme l’un des derniers rescapés Terrans non coréens. Il commence à se faire un nom. Et à partir de 2014, nul n’oserait remettre en question ses qualités de jeu, bien qu’elles n’aient jamais été récompensées, aujourd’hui encore. Cette année là, le Terran réalise l’exploit de balayer l’équipe de France des Nation Wars, chez eux, face à leur public.
 

 


Depuis lors, et ce sans briller, le mexicain progresse inexorablement. Sa réputation reste celle d’un Terran certes solide, mais incapable repousser ses limites et d’aligner son niveau de jeu sur celui des meilleurs. Au point de se laisser à nouveau tenter par les vieux démons de la tricherie. En mai 2016, il est sanctionné pour avoir volontairement concédé des matchs afin de faire artificiellement grimper les points de certains joueurs, dont DnS, à l’aide MarineLord. Les trois joueurs seront bannis des tournois officiels jusqu’au 30 juin. Le mexicain passe ainsi complètement à côté de son année.  Ce n’est donc que l’année suivante, en 2017, qu’il complète sa mue pour atteindre le haut du panier avec une formidable régularité. En quatre saisons de WCS, le Terran atteint les quarts de finale à trois reprises et les demi-finales à deux reprises. Par deux fois, il est éliminé par Neeb. Ces deux fois, l’Américain est reparti avec le titre. Convaincu de sa forme, SpeCial en a aussi profité pour renouer avec sa lubie de toujours : tenter de s’infiltrer en GSL. En trois occasions, il est parvenu à se qualifier deux fois en Code S. Sans jamais franchir le premier tour, mais sans repartir bredouille pour autant. Il aura vaincu deux Coréens, Curious et Armani. 
 


 

En ces temps moroses pour nos confrères Terrans, SpeCial fait figure de saint-sauveur. Son jeu est brutal, son multitask bien rodé, son endurance parfois limitée. Sa vitesse de jeu lui permet ainsi de distancier tous ceux dont le souffle pêche, mais pas de mettre en branle ceux dont la macro-gestion se montre indéfectible. Pour vaincre, SpeCial doit donc se montrer lui même implacable, tant dans ses attaques que dans son développement économique et technologique.
 


No Regret nous offre une plongée dans les coulisses du parcours de SpeCial en GSL.

 

Serral, le Roi du Nord

Le second joueur qui se frottera pour la première fois à la crème de Starcraft II nous vient de contrées bien plus septentrionales. Voilà près de deux ans que le jeune Serral dispute à Snute le titre de Roi du Nord et à Nerchio celui de Roi des Zergs. Deux joueurs avec lesquels il partage l’impassible tranquillité du premier et la brutale combativité du second. Moins ancré dans le paysage compétitif européen et international, le jeune Finlandais a fait ses premières classes en 2013. À l’époque, la scène scandinave est à son apogée. Du haut de ses 14 ans, il n’a d’autre choix que d’évoluer dans l’ombre de ses mentors Elfi, Naama ou bien Welmu, tous trois finlandais. C’est sans compter la vitalité de ses voisins suédois, danois et norvégiens. Le vivier nordique couve alors des joueurs de haute voltige, parmi lesquels ThorZain, Snute et NaNiwa, mais aussi une ribambelle de joueurs de second rang tout sauf incompétents comme Morrow, SaSe, Bunny, Targa, BabyKnight et consorts. La minuscule Finlande dispose, elle, d’au moins quatre joueurs de bon niveau, dont Protosser, qui n’est autre que le grand frère de Serral. Longtemps, le jeune Joona Sotala reste en retrait, d’abord sous le patronage de son frère, puis, lorsqu'il rejoint ENCE en 2013, sous celui d’elfi, dont les résultats ne sont pas mirobolants, mais dont l’expérience du jeu compétitif remonte à 2005.
 


Serral aux WCS Jonkoping.
Crédits : DreamHack / Jennika Ojala

 

Ce n’est qu’à partir de 2015, alors que les « anciens » se sont tous retirés du jeu, laissant le champ libre à Welmu, que Serral assure la relève. Le jeune Zerg prend alors du galon, commence à remporter de petits tournois et à se faire un trou sur le circuit officiel. Mais c’est avant tout la sortie de Legacy Of The Void qui marque le tournant de sa carrière. Dès la sortie de l’extension, le Zerg montre des talents de macro-gestion à la fois inédits et remarquables. En dépit d’une progression fulgurante, il lui faudra encore une année avant de percer sur la scène compétitive. 2017 sera pour lui, sans qu’il parvienne à décrocher de titre, l’année de toutes les performances, notamment en matière de régularité. En quatre participations aux phases qualificatives pour les quatre tournois WCS, Serral aura atteint quatre fois le dernier carré, et en aura remporté deux. Dans les phases finales des WCS, seul Neeb se sera montré plus régulier (et plus performant). Serral s’est hissé à trois reprises jusqu’aux quarts de finale. Et une fois jusqu’en finale, remportée sur le fil par Neeb. Il est de ces joueurs que l’on sait capable du meilleur tant on l’a vu, intrépide, dominer ses adversaires avec aisance, déroulant son jeu sans la moindre anicroche, ne s’écartant jamais de son objectif.
 

Kelazhur, la force tranquille

Kelazhur, c’est ce mec plutôt cool, décontracté, qui semble aborder le jeu avec une certaine légèreté. À des années lumières de nos deux premiers lurons, qui semblent, du moins en apparence, beaucoup plus investis. Comme Serral, le Brésilien a mis du temps à faire son trou. Il n'y a même pas un an, personne ne l’aurait imaginé ne serait-ce qu’accéder au dernier carré d’un tournoi majeur. Et encore moins accéder à la prestigieuse BlizzCon. Comme le Ffinlandais, Kelazhur a pris le train de StarCraft II en route. Il fait sa première apparition en 2013, en plein âge d’or de la scène compétitive. Depuis lors, sa présence reste limitée aux Copa America, compétitions longtemps monopolisées par MajOr.
 


Kelazhur, mains dans les poches après sa victoire face à uThermal aux WCS Jonkoping.
Crédits : DreamHack / Jennika Ojala

 

En 2015, nouveau format des WCS oblige, et alors que le restaurant familial dans lequel il travaillait ferme ses portes, Kelazhur se consacre à 100% au jeu. Il rejoint ses coéquipiers de Root dans la gaming house de l’équipe basée en Floride. Comme bien d’autres, Kelazhur a profité du nouveau format des WCS 2015, qui consacre la séparation entre la Corée et le reste du monde et le découpage en qualifications régionales (dont une pour la seule Amérique Latine), pour commencer à apparaître en compétition. L’année ne lui sourit pas pour autant. À chaque saison WCS, il est éjecté au premier tour. L’année suivante, le circuit WCS ne lui est guère plus clément. À l’instar de Serral, c’est en 2017 que le Brésilien accomplit sa métamorphose, tout en profitant d’un vivier de joueurs bien plus réduit. Exit les parcours éclairs en WCS, le Brésilien atteint trois quarts de finale, et même une demi-finale. Désormais, il convient de le considérer comme un adversaire de premier rang, capable de creuser son sillon dans les arbres principaux. Kelazhur, c’est aussi le joueur qui souffre des mêmes tares que MajOr. Doué d’un très bon multitask, il peut rivaliser avec les meilleurs, sans jamais parvenir à les détrôner. Redoutable face à des adversaires de moindre envergure, il semble rapidement toucher ses limites face au haut du panier. En atteste sa meilleure performance de l’année : atteindre la demi-finale des WCS Jonkoping… uniquement pour se rendre compte de son impuissance en se faisant méchamment anéantir par Neeb. Sa place semble rester celle des quarts de finale, où il peut légitimement côtoyer le top 8, sans jamais pouvoir s’en démarquer.

 

 

Bizutages et grosses raclées ?

Aussi convaincante qu'ait été leur année, tous trois n’ont, comme les autres foreigners, pas vraiment eu l’occasion de se mesurer aux joueurs coréens.

Seul indicateur de leur niveau face à un Coréen, la GSL vs The World. Pas de chance, Kelazhur n'a pas même eu l’occasion de se frotter à la crème des joueurs professionnels. Il est tombé d’emblée sur son rival SpeCial, qui l’a balayé d’un très convaincant 3-0. Le mexicain a ensuite sorti le grand jeu, en dérobant deux cartes à Stats, pour finalement perdre 3-2. Il fait d’ailleurs partie du petit cercle de joueurs non coréens à avoir tenté sa chance dans les ligues coréennes cette année. À plusieurs reprises, mais toujours avec le même dénouement.

Dans leurs groupes respectifs, nos trois débutants auront fort à faire. Opposés aux tout meilleurs Coréens, il s’agira, pour chacun, non pas de se satisfaire d’un niveau de jeu qui leur a permis d’accéder au Top 8, ce qui, en soi, ne suffit même pas à prétendre faire partie des meilleurs foreigners (en atteste le blocage de Kelazhur en quarts de finale), ni même à montrer le meilleur d’eux-mêmes, mais d’aller plus loin encore et de montrer un niveau de jeu encore jamais atteint. Que ce soit pour Serral et MajOr que l’on sait parfois capables de rivaliser avec des Coréens, ou pour Kelazhur, dont on a encore jamais vu le plein potentiel. Tous, en tous cas, ont fait savoir qu'ils feraient tout leur possible pour donner le plus de mordant à leur prestation finale. 

 

 


Et si vous souhaitez avoir un aperçu du potentiel de chacun, voici une sélection de leurs matchs les plus remarquables de l'année à vous mettre sous la dent : 

Quarts de finale de la DreamHack Valence, SpeCial vs Neeb.

Grande finale de la DreamHack Jonkoping, Serral vs Neeb. 

Quarts de finale de la DreamHack Austin, Kelazhur vs Nerchio.

Et pour suivre la BlizzCon en intégralité dès le 27 octobre, commentée en français, cela se passera sur notre chaîne StarCraft II bien évidement !

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